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Jean-Marie Petitclerc.

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Jean-Marie Petitclerc : enfermer ou éduquer ?

Voici une note de lecture du livre de Jean-Marie Petitclerc*. Ce polytechnicien devenu prêtre a su éviter le piège simpliste d’une dualité prévention – répression et pousse un cri du cœur : « L’éducation est le problème central de notre société. »

« Les jeunes ont grand besoin de rencontrer des adultes qui soient fermes, qui ne les craignent pas, qui savent s’opposer, ne tolérant pas la transgression de la loi. Les parents savent bien qu’aimer leurs jeune enfant ne signifie pas céder à tous ses caprices. Il en est de même pour tout éducateur face à des adolescents ».

« La violence, c’est le contraire du respect. On pourrait la définir comme le non-respect du « non » de l’autre. Aussi est-il important, pour chaque enfant, pour chaque adolescent, d’apprendre à gérer son agressivité de manière à ce qu’elle ne se transforme pas en violence. Voilà sans doute l’un des plus grands enjeux de l’éducation, que ce soit en famille, à l’école ou dans la cité. »

Le fruit de l’expérience

Le discours de Petitclerc est tout à fait étonnant à plus d’un titre. Il tire sa légitimité de deux facteurs fondamentaux : tout d’abord parce qu’il est le fruit de l’expérience. On sent ici quelqu’un qui aime vraiment les jeunes, aussi turbulents soient–ils et qui parle de ce qu’il a vécu, de l’expérience et de ses résultats tangibles, pas d’une interprétation théorique des causes possibles. On est donc loin du discours psychanalytique pour expliquer une réalité. Il s’agit surtout de faire face à cette réalité et de trouver des solutions dans l’action ou la réflexion n’est pas le but en soi, mais le moyen d’ajuster le tir, de faire mieux la prochaine fois en fonction de la leçon que l’on tire de l’expérience en entretenant un dialogue constant.

La deuxième raison pour laquelle je trouve ce discours remarquable est tout simplement parce qu’il est plein de bon sens, ce qui est fort rare quand l’idéologie et les intérêts particuliers priment sur l’intérêt général. C’est facile de parler des jeunes au Palais Bourbon, quand on les a en face la situation n’est pas la même. Jean Marie Petitclerc aborde dans ce livre le problème de la délinquance, de la prévention mais aussi de la sanction.

Il démontre comment 100 % des plaintes pour vol à l’encontre d’un mineur sont classées sans suite, le résultat étant que  la délinquance leur rapporte, qu’ils ne sont pas sanctionnés et que leurs premiers succès leur encouragent à la récidive. Par conséquent ils se retrouvent derrière les barreaux à la 3ème, à la 41ème ou à la 50ème fois, sans aucune logique. A contrario, 80 % des mineurs qui ont la chance d’être sanctionnés dès leur premier délit ne récidivent pas. Au lieu de tomber dans un piège simpliste d’une dualité prévention- répression il aborde l’aspect de la dissuasion qui, évidemment, dans la réalité, ne peut pas être crédible sans sanction.

La délinquance juvénile

« En France, on ne sait pas bien traiter le problème de la délinquance juvénile, parce qu’on n’intervient pas au début du processus. Lorsque les choses s’aggravent, les réponses que l’on met en place, qui auraient pu être efficaces si elles avaient été prises au démarrage, paraîtront dérisoires à l’adolescent déjà engoncé dans la récidive. Il est urgent de revisiter nos modes de réponse.

Car, bien souvent, cette primo-délinquance apparaît aujourd’hui avant l’âge de 13 ans, âge qui correspond à celui de la majorité pénale dans l’ordonnance de 1945. Voilà pourquoi j’ai expliqué aux sénateurs, lors de mon audition par la commission d’enquête sur la délinquance des mineurs, que je militais depuis longtemps pour une refonte de l’ordonnance de 1945, abaissant cet âge à 11 ans, et instaurant pour la tranche des 11/13 ans des mesures de sanction-réparation, avec une procédure très brève. Au vu de l’ampleur de cette petite délinquance, il paraît évident que le Parquet ne peut la traiter dans son ensemble.

Lorsque, par exemple, un préadolescent de 11 ans casse un abribus avec un caillou, il me semblerait disproportionné qu’un commissaire de police prenne le risque de mettre en danger une brigade de cinq hommes pour l’interpeller en plein cœur d’un quartier sensible, et que la justice, qui déjà n’arrive pas à traiter dans des délais convenables les affaires en cours, se saisisse de l’affaire. Il serait plus pertinent d’établir une justice de proximité, inscrite dans le territoire. De même qu’il ne me paraît pas aberrant qu’un principal de collège convoque dans son bureau un élève qui a cassé une vitre, convoque ses parents et organise la sanction, de même la République ne me paraîtrait pas en danger si on permettait à un maire (ou à son délégué) de convoquer un enfant ayant cassé un abribus, de convoquer ses parents et d’organiser la sanction.

Un traitement de la primo-délinquance

Il nous faut inventer aujourd’hui un mode de traitement de cette primo-délinquance, bien sûr respectueux des droits de l’enfant inscrits dans la Convention internationale, mais qui par sa simplicité et sa rapidité de mise en œuvre puisse être efficace. »

Parmi de nombreux sujets, la parité est aussi abordée, curieusement, dans le sens que les adolescents en difficulté ont souvent à faire seulement à des femmes : « Madame le principal, Madame le juge pour enfants et Madame l’éducatrice spécialisée. Les seuls hommes qu’ils rencontrent sont des policiers ! Alors ils recherchent cette confrontation… ». « On ne soulignera jamais assez combien l’enfant et l’adolescent ont besoin de cette parité homme-femme dans l’accompagnement éducatif ».

« Enfermer ou éduquer » est une excellente remise en question et une réflexion de fond sur les problèmes posés aujourd’hui par les adultes de demain qui ne veulent surtout pas ressembler aux adultes d’aujourd’hui.

Alexandra Fox

* Jean-Marie Petitclerc. « Enfermer ou éduquer ? ». 2ème édition Editions Dunod, 2007.

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