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Le vrai défi.

Le vrai défi : l’intégration


Benjamin Saintignon

Parallèlement à cette psychose de la laïcité la société française d’aujourd’hui est bel et bien confrontée à d’autres défis bien plus important pour l’avenir du pays. L’Éducation nationale a complètement raté l’intégration des enfants d’immigrés qui habitent dans des ghettos et ont beaucoup de mal à trouver du travail. En 2005 des émeutes inattendues ont mis en flammes les banlieues de toutes les grandes villes françaises et comme Jocelyne Cesari l’a dit :

« Aujourd’hui, la vraie question n’est pas la loyauté ou l’infidélité de Musulmans français aux valeurs de la République(1).  Mais plutôt, les bouleversements dramatiques dans l’organisation de la société et la construction identitaire qui a lieu actuellement en France. Ces changements ont poussé les Français à réaffirmer avec détermination beaucoup de leurs valeurs culturelles traditionnelles dont la laïcité, le statut du citoyen en tant qu’individu, et le refus des minorités communautaires culturelles et ethniques. Dans cette situation, l’intégration est quelque chose qui ne se reporte pas simplement à gens d’origine étrangère, mais aux tout ceux qui vivent aux marges du système social et économique et qui doivent se demander néanmoins quel est le minimum de valeurs qu’ils peuvent partager avec leurs concitoyens. C’est donc urgent de mettre fin au discours basé sur l’amalgame de race, appartenance ethnique, religion et pauvreté. À long terme, ces amalgames résulteront en des troubles politiques sérieux, précisément comme ceux qui ont eu lieu ».(2)

Il s’agit de cultures et de religions différentes qui n’ont pas été prises en considération au sein de la « république idéale » de 1905. La religion joue un rôle simplement parce qu’elle est liée à l’identité des exclus qui trouvent solidarité et réconfort au sein de leurs communautés. Ceci est particulièrement vrai dans les groupes évangélistes noirs ou les groupes musulmans des banlieues françaises.

Les talibans de la République sont allergiques aux mots « communauté » et « communautarisme » car ils les voient comme une menace à l’unité républicaine.  Ils sont aussi allergiques à toute manifestation religieuse et c’est ce qui explique la polémique digne des guerres picrocholines (3) née en France lors du décès du Pape Jean Paul II autour de la mise en berne des drapeaux en signe de deuil. Pendant ce temps, à la Havane, Fidel Castro, l’héritier de Marx et de Lénine, n’a pas hésité une seule seconde à rendre hommage au Pape. Il y avait déjà eu un précédent lorsque les grands officiers du Grand Orient avaient manifesté à Valmy pour s’opposer à la venue du Pape en 1996.

Il y a un manque total de pragmatisme sur ce sujet et une vraie psychose à propos de tout ce qui se rapporte au religieux ou à la spiritualité. L’actuel Président de la République, Nicolas Sarkozy a été attaqué sans ménagement pour avoir osé suggérer que la loi de 1905 devrait être révisée. En fait, l’ancien Ministre de l’Intérieur n’a fait que tenir compte du point de vue d’éminents spécialistes réunis autour du professeur Machelon(4) en dehors d’un débat politicien qui explique  de bas étage. L’idée en fin de compte ne vient pas de lui, c’est le réflexe de toute personne sensée qui a lu le texte et qui le met en parallèle avec la situation actuelle. Voici une phrase très juste de Regis Debray (5) : « la laïcité n’est pas une option spirituelle parmi d’autres, elle est ce qui rend possible leur coexistence, car ce qui est commun en droit à tous les hommes doit avoir le pas sur ce qui les sépare en fait. »

En conclusion, le principe de la laïcité de l’État serait certainement une bonne chose pour ce pays, s’il était appliqué. La France a souvent été condamnée ces dernières années par la Cour Européenne des Droits de l’Homme. (74 fois en 2003) ce qui est surprenant pour la « patrie des droits de l’homme ». On découvre au fil des dossiers le traitement déplorable  réservé aux immigrés dans des lieux de détention et l’intervention abusive en matière religieuse(6) de l’État français concernant les minorités de conviction.

Le contrôle fiscal est un des moyens de pression dont a usé l’État français contre les Témoins de Jéhovah et d’autres groupes. La collecte de fonds et le prosélytisme sont considérés comme quelque chose de tout à fait normal en politique, mais lors qu’il s’agit d’un mouvement religieux minoritaire, cela devient une « menace » suscitant la plus grande suspicion. Ils sont probablement supposés vivre de la prière ou demander au Seigneur que le compteur de l’électricité tourne en échange des louanges à sa gloire. ..

 

(1)    Aux valeurs de la République, ajouté par le traducteur.
(2)    Jocelyne Cesari est chercheur au CNRS et professeur associé à Université de Harvard. Elle est l’auteur de When Islam and Democracy Meet: Muslims in Europe and in the United States (Quand l’Islam et la Démocratie se rencontrent : Les Musulmans en Europe et aux États-Unis, New York: Palgrave, 2004 et Musulmans européens et l’État séculier, Londres: Ashgate, 2005. De plus, elle coordonne le site Web euro-islam.info).
(3)    Guerre futile qui commence pour une histoire de fouasses (sorte de brioches) dans le Gargantua de Rabelais.
(4)    Après avoir rappelé « l’attachement de la communauté nationale aux grands équilibres de la laïcité à la française, qui garantit le droit de croire ou de ne pas croire », c’est la mission que le Ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire a confiée à la commission de « réflexion juridique sur les relations des cultes avec les pouvoirs public », en l’invitant à mener un complet examen du cadre juridique régissant l’exercice de la liberté de culte.
(5)    Régis Debray : Ancien compagnon du Ché Guevara dans la guérilla en Bolivie, conseiller du président François Mitterrand de 1981 à 1984. Il a publié une dizaine d’ouvrages dont ‘La neige brûle’ qui reçut le Prix Femina en 1977. Et c’est en 1985, qu’il devient Maître des requêtes au Conseil d’État. Régis Debray est actuellement Président de l’Institut européen en sciences des religions et membre de la commission Stasi.
(6)    Cf. Affaire PATUREL c/France Requête n° 54968 Arrêt du 22 décembre 2005.

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